La pénibilité pour les nuls : quand la prévention au travail devient un risque économique
Résumé en Français
La loi du 20.1.2014 vient d’instaurer un compte pénibilité. Cette innovation vise à améliorer le statut des travailleurs affectés à des tâches pénibles en les orientant soit vers des horaires plus légers, soit par des reclassements, soit par des retraites anticipées. Si personne ne conteste l’incidence sur la santé des travaux pénibles, c’est l’abord de la solution qui pose problème. Il y a bien en effet jusqu’à 9 ans d’écart de vie sans invalidité entre un cadre supérieur et un ouvrier, mais les solutions envisagées sont riches en effets pervers. Les travailleurs peuvent avoir intérêt au maintien de la pénibilité pour préserver leur retraite anticipée. Les entreprises n’auront pas nécessairement l’envie ni les moyens d’investir dans la prévention, qui est la seule mesure indiscutable, si elles doivent financer aussi formation et retraite. Surtout, le compte pénibilité (CP) est très lourd à gérer pour les entreprises qui sont seules à financer le projet. De ce fait, leur productivité est mise en cause et peut entraîner des réactions telles que délocalisation des sièges sociaux, sous-traitance à des travailleurs détachés, suppression de postes par automatisation. Le chômage risque d’être le grand gagnant de la partie.
English abstract
The French law of 20.01.2014 recently instituted an arduous working conditions allowance. This innovated legislation is designed to improve the status of workers subject to arduous working conditions either by allowing lighter work schedules or job reclassification or early retirement. The impact of arduous working conditions on health has been clearly established, but no consensual solution has yet been proposed. Life expectancy without disability can differ by as much as 9 years between higher executives and manual workers, but the proposed solutions comprise a multitude of perverse effects. Workers may benefit from maintaining their arduous working conditions in order to preserve their right to early retirement. Companies do not necessarily have the desire or the resources to invest in prevention, which is the only consensually accepted effective measure, if they are also required to finance both training and retirement. In particular, management of the arduous working conditions allowance is very complex and entirely financed by companies. Consequently, company productivity can be impacted, leading to transfers of company headquarters, outsourcing to interim workers, replacement of jobs by automation. Unemployment could be the big winner of this conflict. Politically, arduous working conditions allowance appears to be very difficult to put into practice and can be considered to be more a promise by the government to the left and to the trade unions.
Santé publique n°2, mars-avril 2015 | p. 195 à 198 | publié le 15 juin 2015